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S&OP – Vers un passé incertain

La fin d’une époque

À l’heure où nous vous écrivons ces lignes, l’humanité est confrontée à une pandémie mondiale et pour la première fois, la moitié d’entre nous ont vécu confinés plusieurs semaines, mettant en panne des pans entiers de l’économie de la planète.

Même au plus fort des conflits passés, jamais une telle situation ne s’était produite !

Aucune référence historique, aucun modèle passé, aucun retour d’expérience ne pourrait être utilisé comme un précédent pertinent afin de mesurer à la fois l’impact de ce qui se passe, mais aussi ce qui adviendra le jour d’après le dernier jour de cette crise.

Nous assistons à une mise à l’épreuve majeure de tous les modèles de prospective tendanciels.

Une zone d’ombre

“Les prévisions sont difficiles surtout quand elles concernent l’avenir” Pierre Dac

Tous les professionnels de la prévision, de la demande et du S&OP connaissent bien cet adage et malheureusement, force est de constater qu’il a rarement été aussi pertinent en l’absence de référence historique. Dans les mois à venir, l’ensemble des prévisionnistes devra s’appuyer sur des modèles de rupture nouveaux basés sur des hypothèses plutôt que l’analyse statistique du passé qui fournissait le plus gros de la donnée. Les outils de mesure et d’analyse existants pourraient eux aussi rapidement devenir inadaptés aux situations à venir, ouvrant de fait le champ à de nouvelles façons d’élaborer un plan prévisionnel.

L’agilité avant tout

Dans un monde où prévoir devient plus difficile et où le passé n’est plus une référence, les modèles de fonctionnement classique de la planification de l’entreprise vont être mis à rude épreuve. Comment identifier, modéliser, projeter et simuler des changements réguliers et nouveaux ? Comment augmenter la fréquence de ces analyses pour mieux s’ajuster ?

Il est évident que les usages, processus et outils actuels ne permettent pas de répondre à ces problèmes-là :

Dans un monde classique, le processus S&OP s’établit sur un horizon d’une douzaine de mois, avec une fréquence de mise à jour généralement mensuelle. Il est bâti à partir d’un scénario basé sur une extension des tendances passées plus une projection des tendances actuelles. Des actions sont ensuite prises afin d’adapter les ressources de l’entreprise à ce que devrait être la demande du marché. Et c’est ainsi que le S&OP est exécuté par tous depuis sa création.

Aujourd’hui, l’incertitude sanitaire et réglementaire est un nouveau facteur extrinsèque d’une importance capitale. Le client devient plus imprévisible, car il essaye lui aussi de s’adapter à l’incertitude, donc ses demandes changent encore plus, et finalement chaque jour les modèles de prévisions sont à revoir. Il faut donc réapprendre à identifier les nouveaux comportements.

À l’intérieur de l’entreprise, la projection des capacités disponibles devient elle aussi plus complexe, la variable sanitaire venant bousculer les standards existants. Et pour finir, les chaînes d’approvisionnement devront être sécurisées à plusieurs niveaux pour ne plus être confrontées aux ruptures majeures que beaucoup ont connues durant cette crise.

Nos convictions

Pour résumer, le monde d’après crise semble se résumer de la sorte : une forte orientation des échanges vers l’extrême orient, avec des taux de change fébriles, un prix du pétrole à la hausse, de fortes incertitudes en zone euro et des faillites pénalisantes, et finalement un environnement économique déprimé.

Pour les entreprises, les risques sont importants à la fois sur leurs marchés, mais aussi sur les chaînes d’approvisionnement. Nous pensons donc qu’un focus particulier doit mis sur la planification stratégique au travers du S&OP.

Certes, les modes et les modèles seront à revoir, comme nous l’avons indiqué et les hypothèses et scénarios seront la base des prévisions. Les plans au long court devront s’appuyer sur des boucles plus courtes afin de prendre en compte l’extrême instabilité des sources et des débouchés.

Ainsi sur la demande, une surveillance et une analyse poussée des différents comportements clients au travers d’outils pointus et dédiés, permettraient de capter plus rapidement les variations de tendances, et de réorienter les produits vers les débouchés les plus rentables en priorité, tout en intégrant les différentes variables d’environnement (flux, taux de changes…).

La chaîne d’approvisionnent, elle aussi devra composer avec les mêmes variables de flux, de taux de change, mais aussi de défaillance de source et de cash-flow limité. Cela imposera là aussi une grande réactivité ainsi qu’une capacité de traitement de données quasi instantanée.

Quant aux moyens propres de création de la valeur (outils de production, plateforme…), ils devront composer avec une exigence d’efficacité opérationnelle et financière plus accrue, un besoin de flexibilité et d’adaptation plus poussé que la normale.

Dans ces conditions, notre conviction est qu’un nouveau modèle S&OP, qui pour nous est l’outil premier d’une entreprise pour planifier son avenir, doit être adapté à la nouvelle situation à venir en adaptant les horizons, les outils et les indicateurs. Il doit permettre à la fois de passer une période difficile, mais aussi d’être le levier d’une croissance que l’on espère retrouver dans un futur pas si lointain.

Mahdi BIOUI, Supply Chain Consultant & expert