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Quelle stratégie d’approvisionnement en cas de crise : la relocalisation est-elle la panacée ? 

Nous l’avons vécu en 2020, une multitude de risques différents peuvent mettre à mal les entreprises et leur Supply Chain, en ne limitant pas leurs conséquences aux seuls aspects économiques. Si la réactivité et la qualité des produits et des services sont également fréquemment inclus dans la mesure des risques, l’impact sur l’image de l’entreprise, aussi considérée dans ses dimensions sociales, sociétales et éthiques, n’est pas à négliger, tout comme la prise en compte des contextes environnementaux et autres risques techniques et technologiques.

MONDIALISATION EN TEMPS DE CRISE : RISQUES ET OPPORTUNITÉS

Dans un contexte mondialisé, les industries et distributeurs, quelle que soit leur taille, s’adressent à un panel international de fournisseurs, s’appuient sur un réseau industriel global, ou proposent produits et services à des clients mondiaux, quand ce n’est l’ensemble des trois composantes. Vecteur de développement et d’optimisation, cette mondialisation peut se gripper à la moindre crise, qu’elle soit locale, continentale ou mondiale, et quelle qu’en soit la cause. Une majorité de cas pourra être atténuée par la veille éclairée des risques encourus par la Supply Chain et ses impacts, avec identification des scénarios industriels et logistiques alternatifs avec prérequis et plan d’actions d’activation, nous le verrons dans un prochain article. A défaut de détection précoce et surtout de mise en œuvre d’un plan de contournement solutionnant les impacts attendus de la crise ainsi identifiée, la proactivité laisse alors sa place à la réaction – le fameux « mode pompier ». Comme toute intervention d’urgence, le temps est compté. Aussi doit-il être utilisé à bon escient.

IDENTIFIER LES FLUX, PRODUITS ET CLIENTS IMPACTÉS

La première question à se poser concerne l’inventaire des approvisionnements et productions impactés : une crise logistique bloque-t-elle une voie maritime entière et l’intégralité des flux en provenance d’une même zone géographique ? Un fournisseur particulier est-il défaillant ? Une unité de production connait-elle un déficit particulier de capacité ? Un pays rencontre-t-il une perturbation sociale ? Autant d’origines qui amènent à définir précisément quels flux et quelles marchandises sont concernées par une crise donnée, ainsi que la durée pressentie.

Une fois ces maillons faibles de la Supply Chain identifiés et les articles correspondants circonscrits, se pose alors la question de l’ordre dans lequel trouver des solutions palliatives aux problèmes rencontrés. Parmi les outils à disposition, les acheteurs, approvisionneurs et planificateurs manient généralement le principe de Pareto et l’analyse ABC de leur portefeuille d’achat ou de production. Si cet outil facilite l’identification des approvisionnements ou des fabrications les plus onéreuses, il n’est pas nécessairement le plus adapté pour prioriser les sources alternatives à engager. S’agissant de fournir des produits et services à un client, c’est plutôt sous l’angle chiffre de vente qu’il faut se pencher, en appliquant le principe du cas d’emploi (where-used dans le dictionnaire ASCM, ex. APICS) pour identifier les composants en rupture qui contribuent le plus au chiffre d’affaires vendu aux clients. Ainsi, un composant impacté par la crise, même s’il est peu onéreux, sera traité en fonction de sa contribution aux ventes finales de l’entreprise. Mieux encore, la réflexion autour de la contribution à la marge de chaque vente de produits et services est à privilégier, avec l’identification des approvisionnements et fabrications incluses dans les produits apportant le plus de rentabilité à l’entreprise, permettant ainsi d’optimiser par ailleurs le cash-flow et d’optimiser le besoin en trésorerie de l’entreprise, qui peut être discriminant en période de crise.

ACTIVER DES RESSOURCES ALTERNATIVES

A chaque crise sa solution de contournement spécifique. La recherche d’alternatives doit bien sûr s’adapter au type de risque à atténuer : si une zone géographique tout entière est touchée, inutile de se pencher vers des acteurs de la chaîne logistique situés dans une zone proche, les risques de contagion étant trop élevés. Si au contraire la crise ne concerne qu’un unique fournisseur, qu’une unique unité de production, l’activation d’un prestataire alternatif du même bassin de compétences et de la même localisation limitera les impacts sur la cinématique de la Supply-Chain. Il est essentiel de garder en tête que si une entreprise fait face à une crise liée à une tension sur un type de composant, une défaillance fournisseur, ou un blocage d’une zone géographique, il en va également de même pour ses concurrents. Aussi, la réactivité est encore une fois un paramètre primordial pour réenclencher les flux et disposer de ressources alternatives avant de les voir saturées par des demandes analogues de confrères.

Cette réactivité s’obtient par la connaissance des bassins de ressources mondiaux, tant en termes de capacités que de compétences. Par exemple, on cherchera ainsi des partenaires alternatifs textiles dans le Maghreb, le Sud-Est asiatique, certaines régions européennes même. Concernant les composants électroniques de base, le travail sera plus complexe étant donné que l’immense majorité de ceux ayant gardé ce savoir-faire à peu de valeur ajoutée faciale sont basés en Chine. Les effets de rééquilibrage se feront immédiatement sentir sur les quelques fabricants hors de ce périmètre (en Turquie notamment), si le barycentre de la crise est en Chine par exemple.

Dans ce cadre, le fait de déjà travailler à minima avec ces fournisseurs alternatifs, ou au moins avoir pris contact avec eux dans le cadre d’un “Plan de continuité d’activité”, peut permettre de sortir son épingle du jeu en cas de tension capacitaire. S’il y a une pénurie, la négociation tarifaire aussi sera complexifiée, dans une période où il faut aller vite : connaître parfaitement le métier et donner des perspectives long terme seront indispensables pour éviter les effets inflationnistes les plus forts.

L’INDUSTRIE ET  LA SUPPLY CHAIN 4.0 EN FACILITATEUR

La vitesse de réaction demeure primordiale on le répète, les critères de sélection, les processus et règles de validation et de contractualisation devront être adaptées pour faire face à l’exigence de réactivation de la chaîne de valeur au plus vite. Afin de rendre possible une solution empruntant une route Supply-Chain alternative, on rappellera que la digitalisation des opérations industrielles et logistiques – que l’on appelle aussi l’industrie ou Supply Chain 4.0, ou encore Usine du futur – peut être un recours pour accélérer le re-routage de la production, et limiter l’impact économique en cas de transfert vers une zone géographique au coût opératoire plus élevé, au moins pour les secteurs matures disposant d’une majorité de fournisseurs capables d’échanges automatisés.

Cet exercice de re-sourcing en temps de crise consiste en un équilibre constant entre vitesse et efficience, qu’il soit économique mais aussi de gestion de l’information, qui peut entraîner d’innombrables coûts cachés durables. Il nécessite des équipes Achats, Supply Chain, mais aussi Commerce et Production de collaborer rapidement et efficacement la main dans la main. Si le premier exercice peut nécessiter un accompagnement, tant sur la méthode – processus et rythme à impulser – que sur l’expertise de sourcing en tant que telle, par la suite les organisations habituellement très hiérarchisées découvrent leurs capacités de réadaptation quand les carcans sont ignorés… un premier pas vers la résilience !

Nicolas HENRY, Directeur et Anaïs LEBLANC, Directrice, Citwell