La Chine est indubitablement la grande gagnante de la mondialisation. Son économie est aujourd’hui au cœur de presque toutes les grandes chaînes de valeurs de la planète, elle est à la fois le plus gros marché et le premier fournisseur du monde et lorsque la Chine a dû affronter l’épidémie du COVID-19, et que les mesures de restriction de déplacements ont touché une personne sur deux, l’impact a été mondial.
Nous avons tous été frappés par les images de villes entièrement désertes avec des habitants confinés dans leurs logements par l’effet combiné des restrictions de circulation et de la peur. Les magasins vidés, de même que les usines de production donnant un coup de frein sans précédent à la formidable machine de production chinoise. Les impacts sont eux aussi à l’échelle de cette économie, et leur portée a été prodigieuse.
En Chine
La Chine est le seul pays au monde à afficher en 2020 une évolution positive du PIB, estimé à 2% par la banque mondiale. Ce pays, rappelons-le, est habitué à des taux à deux chiffres même s’ils sont souvent sujets à caution. L’Asie en général et la Chine en particulier a su maîtriser rapidement l’épidémie, et son économie et repartie très tôt sans besoin de procéder à des injections massives d’argent dans le soutien de celle-ci. Elle est aujourd’hui plus que jamais en mesure de prendre la place de numéro un mondial.
Dans le monde
La banque mondiale estime la croissance mondiale à -4,3% en 2020. Le cours du pétrole est à ce jour 15% inférieur à ce qu’il était il y a un an. Le secteur des transports qui subit des centaines de milliards de dollars de pertes et qui ne voit pas sortie de crise avant au moins 2 ans. Le marché de l’automobile souffre de difficultés d’approvisionnement importantes, les usines ayant beaucoup de mal à tourner à plein régime particulièrement au Maroc et en Turquie. Quant aux métaux à usage industriel, pour une bonne partie d’entre eux les cours sont revenues à leur niveau d’il y a 5 ans.
Le recours massif à l’impression monétaire dans plusieurs régions du monde fait craindre aux économistes le retour du spectre de l’inflation, inflation qui viendra s’additionner à l’impact des défaillances d’entreprises.
En France
Si l’impact pour notre pays a été, au départ, modéré par les encours de stock et transit avec la Chine, les effets ont été rapidement visibles, les secteurs phares de notre économie ont été les plus touchés, à savoir le tourisme et l’aéronautique. Afin de limiter les dégâts, les autorités ont procédé et continuent d’injecter des liquidités dans l’économie avec l’espoir de limiter les défaillances. S’ajoute à cela, le recours massif à des importations en provenance de la Chine qui plombent une balance commerciale déjà bien déséquilibrée. Bercy a communiqué en 2020 sur une série de résultats catastrophiques : 79 milliards d’euros de déficit commercial, une contraction du PIB de 10,2% et une dette publique dépassant les 117% de ce même PIB.
Face à ces conséquences, les appels à la relocalisation et à la fin de la dépendance française et européenne se multiplient, le programme le plus emblématique de cette volonté nouvelle est le programme européen de fabrication local de batterie qui relève plus d’une question de souveraineté aujourd’hui que d’une question industrielle (la Chine contrôle 95% de la production des terres rares et les batteries représentent 50% de la valeur d’un véhicule électrique).
Bien que les volontés nouvelles de relocalisation ou de développement de sources nouvelles en France et en Europe soient plus que louables, il convient de se poser la question réelle de notre capacité à réaliser ce genre de projets. Les besoins en financement seront conséquents et obligeraient les états à avoir recours à plus de dettes pour y parvenir alors que la situation de la plupart des pays européens industrialisés sur ce plan est déjà délicate. Se pose aussi la question des ressources humaines et du savoir-faire, des décennies de délocalisation ont fait disparaître beaucoup de savoir-faire dans plusieurs domaines, qu’il sera difficile de retrouver.
Les conclusions qu’il faudra tirer
Cette crise a au moins le mérite de mettre en évidence l’extrême dépendance mondiale de l’économie vis-à-vis de la Chine, qui au sortir de la mondialisation, est devenue l’atelier du monde. Bien qu’il soit impossible de se passer de la Chine comme client pour nos produits ou de fournisseurs pour une part importante de produits et matières, il convient que, par soucis premiers de souveraineté et d’indépendance économique, l’Europe mette en place des programmes ciblés de double sourcing et que les entreprises acceptent de payer plus cher un produit en double source afin de préserver une continuité d’approvisionnement et une certaine liberté de pilotage de leurs Supply Chain.
Chez Citwell nous avons acquis depuis plusieurs années une conviction quant à certains modèles économiques et une certaine approche des chaînes logistiques mondialisées. Cette conviction s’articule autour de la notion fondamentale de coût complet et nous avons développé une expertise reconnue dans ce sens, qui nous permet d’être aujourd’hui à la pointe en matière de valorisation des scénarios de schémas logistiques avec des sourcings alternatifs dans un périmètre global.
Pour faire simple, notre approche consiste à intégrer l’ensemble des paramètres industriels, logistiques et de distribution, en plus du simple paramètre financier. Il convient dans chaque cas d’étudier la pertinence de la démarche financière en intégrant l’ensemble des répercussions industrielles, puis de prendre en considération les risques à gérer sur l’ensemble de la nouvelle chaîne d’approvisionnement.
Par exemple, si une entreprise souhaite délocaliser en Asie pour baisser ses coûts de production, la baisse escomptée doit être pondérée par l’impact sur les encours et les stocks qui vont obligatoirement augmenter à mesure que la chaîne d’approvisionnement s’allonge. Il faudra aussi intégrer l’augmentation des tailles de lots (achats par conteneurs entiers), l’augmentation du BFR, puis viendront s’ajouter les risques réglementaires, douaniers, géopolitiques et qualité voire même des risques d’obsolescence. On pourra aussi intégrer la tolérance ou plutôt l’intolérance des clients finaux envers les produits à fort impact environnemental. De ce fait, pour cet exemple une solution alternative plus pertinente pourrait être de proposer un pays low cost en Europe comme la Bulgarie qui a un salaire minimum autour de 280€ ce qui permet de contenir un maximum de risque tout en maintenant l’objectif de rentabilité.
Enfin, Citwell posera la question de la satisfaction de marchés avec la réactivité attendue et la promesse requise, pour que les entreprises réussissent à se différencier et à gagner des parts de marché par la puissance de leur Supply Chain globale.
Laurent Penard, Président et Mahdi Bioui, Manager, groupe Citwell.