Cobots, exosquelettes, ergosquelettes, bras zéro gravité… de plus en plus de technologies émergent selon un même principe : réduire la pénibilité des tâches, augmenter la performance des postes et permettre de se concentrer sur l’apport de valeur ajoutée, grâce à des applications qui interagissent directement avec l’Homme.
Quelles sont ces technologies en plein essor ? A quoi servent-elles réellement, et au-delà de l’effet d’annonce, quels en sont les gains éprouvés ?
Cobotique : le poste de travail recentré sur la valeur ajoutée
Un cobot est un Robot dit « collaboratif », c’est-à-dire que, contrairement aux robots industriels « traditionnels », aucune barrière ni cage n’est nécessaire : l’Homme peut travailler à proximité du robot ou directement avec celui-ci. Le cobot permet de créer une synergie entre les capacités d’un robot (force, précision, répétition…) et les compétences d’un être humain (savoir-faire, analyse, décision…).
Et la demande pour ce nouveau genre de robot explose : le marché devrait décupler entre 2015 et 2020. Face à l’émergence de nouveaux acteurs sur le marché de la cobotique, de plus en plus de constructeurs traditionnels de robots adaptent ainsi leur gamme pour proposer des modèles collaboratifs. Selon les modèles et types d’applications, on peut ainsi trouver des cobots dans une fourchette de prix comprise entre 20 000€ et 85 000€.
Des robots adaptés à de nouvelles contraintes
Afin de garantir la collaboration avec l’Homme en toute sécurité, ces robots sont généralement moins rapides et moins puissants que leurs homologues industriels traditionnels. En effet, les objectifs et avantages des cobots correspondent à des contraintes et périmètres d’action différents. Les tâches répétitives nécessitant une expertise humaine, les productions de petites séries, le manque d’espace, sont autant de cas où le cobot se révèle être un atout considérable. Plus flexible et mobile qu’un robot traditionnel, moins lourd en investissement et plus simple à programmer, le cobot est parfaitement adapté pour effectuer des tâches récurrentes et précises.
Augmenter la valeur ajoutée des tâches réalisées
Dans une usine d’un fabricant de vitrage français, un cobot est utilisé pour réaliser une étape de ponçage de verre difficile : au lieu d’enchainer les mouvements répétitifs et d’encaisser les vibrations de l’outil, l’opérateur peut ainsi superviser le travail du cobot et se concentrer sur l’étape de préparation du verre, qui représente une réelle valeur ajoutée. Le cobot permet également de gérer la forte diversité de références : chaque type de verre requiert une trajectoire de ponçage différente, qui est paramétrée directement par l’opérateur. Résultats très probants : un investissement rentabilisé en moins d’un an, avec une augmentation de 30% de la productivité sur cette opération et un poste de travail bien plus ergonomique.
Gagner en compétitivité
Dans l’agro-alimentaire également, une PME fournisseur d’œufs a installé une telle machine. Face à un marché très compétitif, l’entreprise avait besoin de rendre plus efficaces ses process de packaging, avec un budget d’investissement très limité, et peu d’espace pour installer un système automatisé. Un cobot a été mis en place pour automatiser le conditionnement et la palettisation des boîtes d’œufs : il ouvre un grand carton, attrape les boîtes et les dépose à l’intérieur. Solution flexible, le cobot peut être très rapidement déplacé et adapté aux différentes lignes de production d’œufs de tailles différentes. Ceci a permis d’augmenter la productivité du site (capacité doublée) et de réduire les tâches répétitives et sans valeur ajoutée effectuées par les opérateurs, avec un retour sur investissement atteint au bout d’un an. L’étude du projet, l’installation et la mise en service se sont déroulées en 3 mois et la programmation a été réalisée en moins d’un jour, grâce à une méthode très simple : le cobot mémorise les mouvements et tâches que l’opérateur lui fait faire en le guidant.
Obtenir des retours financiers et humains très satisfaisants
Les cobots sont aussi de plus en plus présents dans l’industrie automobile. Un constructeur a par exemple récemment communiqué les gains obtenus grâce à leur mise en place pour une opération de vissage : avec un déploiement effectué sur plusieurs sites, une mise en œuvre réalisée en 8 mois, 1,6 M€ de gains totaux au cours de la première année et une très bonne acceptation du cobot par les opérateurs, les retours sont très positifs.
© Pascal Guittet
Les exosquelettes, EPI de demain ?
Les exosquelettes sont des structures mécaniques qui se superposent au squelette humain et permettent de démultiplier la force de certains mouvements ou de soulager le corps lors de certaines tâches (port de charges lourdes, postures difficiles, …). Il s’agit généralement d’un cadre rigide léger, comportant des capteurs qui détectent les mouvements de l’utilisateurs, et remontent ces informations à un ordinateur embarqué. Celui-ci déclenche une réponse à l’effort entrepris : une force est appliquée et vient soutenir le port d’une charge lourde, ou le suivi du mouvement de marche, par exemple.
Il existe également des « ergosquelettes », systèmes qui visent à améliorer l’ergonomie du poste de travail, sans nécessairement venir jouer sur les capacités d’un opérateur. Ce sont par exemple des harnais flexibles qui viennent soutenir une certaine posture ou réduire les sollicitations musculaires.
Une logique de prévention des TMS
Longtemps développés dans le cadre d’usages militaires ou biomédicaux, on observe aujourd’hui un intérêt industriel de plus en plus marqué pour le potentiel représenté par ces outils. En effet, les TMS (Troubles MusculoSquelettiques) représentent la première maladie professionnelle reconnue en France, et environ 10 millions de journées de travail perdues par an (chiffres INRS) : les exosquelettes constituent une solution efficace pour réduire et prévenir ces troubles. Et bien que l’intérêt soit très récent, il existe déjà une gamme fournie de solutions adaptées à différents usages, pour des prix allant de 3 000€ à 30 000€ selon les modèles.
Ces solutions sont surtout adaptées à des travaux peu ou non automatisables, pénibles, répétitifs, ou qui occasionnent une posture fatigante.
Réduire la pénibilité et augmenter la productivité
Ainsi dans le BTP par exemple, plusieurs solutions ont émergé pour diminuer la pénibilité : Le ponçage des plafonds par exemple, oblige les ouvriers à porter de lourdes ponceuses à bout de bras. Une PME a ainsi mis en place des exosquelettes qui ont permis d’augmenter les cadences, la précision des finitions et de soulager les ouvriers : au lieu de se relayer tour à tour, chacun travaillant pendant quelques minutes, le ponçage peut maintenant être réalisé sans pause pendant 40 minutes d’affilée. Résultat : un exosquelette quasiment rentabilisé en 2 semaines et des ouvriers très satisfaits de leurs nouvelles conditions de travail.
Améliorer les conditions de travail
L’industrie automobile est également de plus en plus friande de ces appareils. Sur une chaîne de montage par exemple, certains opérateurs peuvent lever les bras jusqu’à 4 600 fois par jour, pour effectuer des vissages ou fixations. Un grand constructeur automobile a ainsi muni ses salariés d’un exosquelette sous forme de « veste » qui permet de soutenir en permanence leurs bras, comme des accoudoirs, réduisant ainsi les efforts nécessaires. L’impact a été immédiat : les ouvriers disent ne plus ressentir en fin de journée la sensation d’épuisement ni les douleurs qu’ils ressentaient auparavant.
Soutenir les opérateurs
On retrouve également des usages dans le secteur de la logistique : un prestataire logistique teste ainsi actuellement des ergosquelettes qui permettent aux opérateurs de rester en station debout sur les lignes de conditionnement. Le dispositif soulage les jambes et le dos : l’opérateur peut s’assoir, se lever et bouger, l’ergosquelette suit ses mouvements et agit comme une chaise quand cela est nécessaire.
Des technologies attractives, mais qui nécessitent de suivre une démarche rigoureuse
Malgré des retours très probants, la cobotique et les exosquelettes restent aujourd’hui encore un marché émergeant, relativement peu connu et peu utilisé. Les réticences existantes peuvent souvent s’expliquer par un manque de connaissance du sujet ou des a priori, entretenus par un imaginaire collectif parfois méfiant vis-à-vis des robots. De plus, ces technologies demandent une forte réflexion en amont, et la mise en place d’une démarche complète qui diffère du processus de mise en place d’un robot industriel classique par exemple.
Avant toute chose, il est nécessaire de correctement identifier les tâches susceptibles de bénéficier de ces technologies (degré d’automatisation possible, complexité, valeur ajoutée, environnement, etc.), et d’y faire correspondre la technologie la plus adaptée parmi la multitude de solutions existantes (exosquelette, bras articulé, robot, cobot, etc.), avant de réaliser un cahier des charges (charge utile, niveau de sécurité nécessaire, etc.) et de sélectionner le modèle idéal.
L’aspect humain est également crucial. Il est indispensable de bien préparer et conduire le changement induit. Cela veut dire préparer et mettre en place une modification des processus, faire accepter la transformation par les équipes, « casser » les idées reçues sur la technologie choisie, définir et mettre en œuvre des plans de formation et accompagner la montée en compétence des personnes concernées.
Raphaëlla Teboul
Consultante Citwell et spécialiste Industrie & Supply Chain 4.0