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Les difficultés de la crise ? Ses opportunités qui grisent

Plus encore qu’en 2008, la crise économique actuelle – particulièrement par sa durée et son origine – met sous pression les entreprises qui voient souvent leurs liquidités se restreindre, leurs frais financiers augmenter et leurs perspectives de ventes varier du simple au triple au gré des annonces des institutions. Malgré tout, une leçon peut-être tirée de cette situation : « les entreprises qui tirent parti de la conjoncture pour renforcer un modèle solide pourront non seulement survivre à la crise, mais également en sortir idéalement positionnées pour profiter des nouvelles opportunités de croissance lors du redémarrage de l’économie »1.Les crises sont souvent des périodes propices aux entreprises audacieuses, qui sauront se démarquer de l’attentisme de certains concurrents en saisissant les opportunités que la crise représente :

  • lancer rapidement des plans d’actions à fort ROI, permettant essentiellement de sécuriser l’apport de liquidités et la maîtrise du BFR,
  • améliorer le modèle existant en remettant à plat l’orientation vis-à-vis du client et en développant des partenariats choisis,
  • consolider ses perspectives grâce à des investissements innovants ou sur des marchés à fort potentiel.

Notre cœur de métier, à savoir le Supply Chain Management au sens large, n’est pas en reste dans ces axes de travail. Et les stratèges ne s’y trompent pas : en 2009, 58% des dirigeants de grandes entreprises1 voyaient « extrêmement » ou « très significativement » la Supply Chain comme vecteur d’amélioration de la rentabilité.

 

Sécuriser le court terme : garantir le Besoin en Fond de Roulement et rechercher l’agilité

Comme aux prémices de la crise financière en 2008, les entreprises cherchent à revoir le pilotage de leur trésorerie. A très court terme, trouver des gisements de liquidités s’avère « plus efficace que d’attendre l’émergence d’un nouvel ordre financier mondial »2. Pour certaines même, il en va de leur survie.

De nombreux axes permettent de travailler sur la diminution du BFR à court terme, nous en citons ici les principaux dans le domaine de la performance opérationnelle.

  • Les stocks : Plusieurs mois de couverture de stock représentent une immobilisation de trésorerie conséquente. Ainsi, l’ajustement des paramètres de stocks permet, en un temps réduit grâce à des outils simples mais performants, de diminuer les niveaux de stocks et de dégager une puissance d’investissement importante.

Exemple chez un client dans le secteur de la GSB :
La seule revue des stocks de sécurité sur un dépôt, en 10 jours d’intervention, permet d’économisier près de 200k€ annuels (1,8 M€ de diminution de stocks). Près de  1,5 M€ de gains financiers sont encore atteignables.

  • L’assortimentune période de crise est un moment propice au recentrage de ses priorités vers celles de ses propres clients : l’assortiment doit correspondre à la demande et la recherche de liquidité est une motivation suffisante pour le revoir, en étudiant notamment les rotations lentes.
  • La VSM et le Lean pratiqueLa mise en place d’une démarche VSM sur des domaines choisis (pour leur manque de rentabilité, de maîtrise, de stabilité) permet en quelques jours d’identifier des gisements d’amélioration, de les qualifier sur les enjeux et les délais de mise en place possible (court, moyen, long terme). La démarche est particulièrement pertinente sur des processus complexes dont la gestion peut avoir tendance à dériver avec le temps : SAV, fabrication, logistique… Ensuite, une application des principes du Lean sur des goulots d’étranglement bien identifiés peut très rapidement apporter des améliorations conséquentes sur l’utilisation des actifs de l’entreprise : diminution du Work-In-Process (Kanban), optimisation de l’utilisation et de la capacité des machines-outils (SMED)…

Exemple chez un client dans le bois :
Le déploiement de la méthodologie lean (SMED, 5S, mise en autonomie d’ilots) sur un atelier d’une quinzaine de personnes a généré une augmentation d’efficacité de 8% de la ligne.
Ceci couplé à la mise en place de Kanbans permet un contrôle précis des niveaux de stock et une réactivité.

 

  • Créances clients : qui dit « BFR » dit « réduction des délais de recouvrement » et par conséquent la nécessité de se prémunir des défauts de paiement. La classification des clients selon des critères de « qualité, quantité, fiabilité, fidélité » permet de recenser ceux en difficulté et de prioriser le servi des demandes si besoin. Dans certains cas, le recours à l’affacturage peut être une partie de la solution, mais doit être soigneusement pesé face à la dépersonnalisation – voire même une radicalisation – de la relation client qu’elle entraîne.
  • Atterrissage des prévisions – S&OP renforcé : le premier questionnement face à l’incertitude de la demande est, légitimement, de savoir comment gérer une planification de production dans un tel contexte. La question de l’adaptation de l’outil de production intrinsèquement rigide à la fluctuation de la demande, avec les décisions difficiles qui s’y joignent (revue du plan d’approvisionnement, modulation des horaires de travail des ouvriers, mise en place de période de chômage technique…) est dans toutes les têtes. La collaboration renforcée entre la production, l’approvisionnement et le commerce est alors la clé (plus encore qu’en temps normal, c’est dire !) pour éviter de produire ou commander des biens qui ne se vendront pas. Les remontées terrain doivent être plus surveillées qu’à l’accoutumée, les réunions de S&OP rapprochées. Chacun préfèrera entériner une décision complexe par anticipation plutôt que de se retrouver accolé et devoir appliquer des mesures encore plus définitives.

Ces initiatives à fort ROI ont pour objectif de limiter au maximum les effets de la conjoncture négative sur la trésorerie de l’entreprise -et par conséquent sa capacité de rebond et de survie- et de renforcer tant que possible son agilité. Il faut alors capitaliser sur les résultats obtenus, et ne pas hésiter à communiquer en interne pour fédérer les équipes autour d’une démarche que le personnel sentira positive, constructive, non limitée à la morosité ambiante. On ne parle pas ici d’avoir une transparence complète mais de bien cibler et organiser la communication pour qu’elle soit la plus honnête et motivante possible.

Cette mobilisation des équipes autour de « quick wins » permettra ensuite de les amener vers des évolutions plus importantes de leur activité quotidienne.

 

Le bon moment pour réorienter le modèle existant

Les repères sont bouleversés par l’incertitude des perspectives, caractéristique des conjonctures difficiles. Ces périodes sont en réalité propices à la transformation des modes de fonctionnement de l’entreprise, de manière à répondre à la mutation latente de l’environnement économique et à préparer le socle de la performance future.

Recentrer les équipes et les actifs sur la recherche de performance, articulée entre rentabilité et efficacité, n’est jamais une mince affaire. Mais cela n’est jamais aussi critique que dans une période d’instabilité économique et de raréfaction des ressources (matières premières, etc). Et les conditions sont également réunies pour développer des partenariats auprès des différents acteurs de la chaîne d’approvisionnement. Qu’ils soient clients, fournisseurs ou prestataires de service, ils sont eux aussi à la recherche de perspectives rassurantes et de modes d’échange ancrés dans l’avenir.

 

  • Lean : En période de crise, la mise en place d’approches « Lean » fédère les équipes autour d’un objectif concret. Elles peuvent également générer des gains de productivité ou des réductions de coûts salvateurs pour sortir l’organisation de ses difficultés ou bâtir les piliers pour soutenir la croissance future3.
  • Orientation client : ce qui est vrai en temps normal est exacerbé lorsque les marchés sont turbulents et que la récession guette. Il est donc d’autant plus important d’être réactif et à l’écoute de ses clients, qui ne manqueront pas de modifier les règles du jeu4.
    C’est le moment de déjouer la méfiance ambiante en renforçant les initiatives collaboratives et en investissant sur la fidélisation des clients stratégiques. Ne jouer que sur le niveau de prix sans aller bâtir les piliers d’une confiance réciproque n’apportera qu’un avantage très court terme.
  • Portefeuille clients : c’est également le moment de bâtir une réelle gestion de la relation client permettant d’identifier les « contributeurs » les plus importants à la rentabilité et la pérennité de l’activité, ainsi que leur fiabilité respective (règle des 80/20, évolution des taux de litige ou des délais de paiements constatés, des quantités et fréquences de commande, surveillance des cotations…).
    Prenez soin de votre portefeuille clients, il vous le rendra et vous évitera bien des surprises !
  • Portefeuille fournisseurs et multi-sourcing : de la même manière, la défaillance d’un fournisseur peut mettre en risque l’activité de l’entreprise. Il est absolument nécessaire en période de crise de savoir identifier les fournisseurs à « risques » pour sécuriser les achats, et si possible anticiper des sourcing alternatifs.
  • Collaboration fournisseur (VMI, cross-dock,…) : les fournisseurs eux-aussi sont à la recherche de « certitudes », et seront probablement plus enclins à travailler des modes de fonctionnement qui jusque-là n’étaient pas leur priorité.
    Le VMI par exemple, est un « win-win » dont la mise en place peut être précipitée par l’environnement incertain : le fournisseur « gagne » une meilleure visibilité sur l’activité (prévision des ventes clients) et potentiellement une meilleure pénétration du marché (si le VMI s’accompagne d’une plus grande largeur de gamme livrée) et le client « gagne » les frais de possession de stock et donc du BFR. La tension des flux à travers le cross-dock, si elle permet de lisser la charge, est peut-être plus complexe à faire accepter.
    Mais l’urgence du maintien d’une activité permet de désamorcer bien des blocages.

 

Avoir l’audace d’innover pour se relancer

En période de crise financière, l’innovation devient souvent un facteur essentiel du développement et de la pérennité de l’entreprise, au-delà des projets promettant des retours financiers à trois mois.

On le voit se dessiner, la remise en cause de la financiarisation à outrance aura des impacts sur les modes de consommation. Déjà, aux Etats-Unis, le taux d’épargne des particuliers augmente5, ce qui sous-entend que la dépense diminue. Qui dit nouveaux modes de consommation, dit nouveaux produits, nouveaux fonctionnements et probablement par conséquent nouveaux styles de management ou même évolutions de structures importantes.

La crise de 1929 a par exemple vu la naissance de la pénicilline, du nylon, de grands progrès dans l’aviation et le développement des matières plastiques. Ces évolutions sont certainement liées à des progrès antérieurs mais leur date de réalisation, elle, ne trompe pas. La crise est assimilable à une contrainte que l’économie impose à nos entreprises ; et elle peut agir, si elle n’est pas destructrice, comme un catalyseur d’innovations ayant pour objectif de contourner cette contrainte.

L’innovation ne sera pas nécessairement liée à de forts investissements mais il sera dans tous les cas délicat de mesurer un ROI tangible sans une analyse stratégique approfondie. En s’appuyant sur des études motivées par de grandes entreprises et universités6, il apparaît cependant que le processus d’innovation se doit d’être continu car son impact est perceptible en majorité deux ans après sa naissance : fermer la porte à la créativité de ses employés pour cause de conjoncture négative est le meilleur moyen de ne pas savoir rebondir lors de la reprise économique.

 

S’il faut reconnaître des menaces certaines dans la crise actuelle, il faut également savoir percevoir et avoir l’audace de saisir les opportunités d’évolution de la stratégie d’entreprise et des enjeux Supply Chain qui y sont liés, par exemple7 :

  • Lancer la construction de partenariats, y compris avec des concurrents, pour répondre à l’évolution des attentes des clients et ainsi casser plus rapidement des barrières qui brident trop d’avancées : mutualisation de plateformes urbaines entre Grands Distributeurs par exemple…
  • Etudier les possibilités de tirer parti des éventuelles problématiques de surcapacités dues à la diminution des ventes sur les marchés principaux : ouverture sur des nouveaux marchés éventuellement moins impactés par la crise, sous-traitance pour des partenaires nationaux ou internationaux…
  • Surveiller les possibilités de rachat d’entreprises concurrentes ou disposant de compétences-clefs pour vos activités.
  • Evidemment, identifier et lancer de nouveaux produits plus adaptés à l’évolution des modes de consommation, changer sa position concurrentielle ou son modèle économique8

Même si l’assurance d’un futur à court terme est la condition sine qua non au développement des innovations, gageons que cette crise apportera de nouvelles orientations impactant positivement l’évolution de nos entreprises sur le long terme. Un mot d’ordre donc : créons, créons, créons…!

Exemple d’un de nos clients dans le secteur Ameublement :
Une réflexion sur le manque de rentabilité de l’entreprise, malgré un carnet de commande rempli, a  mené à la création d’un outil totalement novateur de pilotage de la marge opérationnelle à la commande, diffusé dans chaque agence.

 

Soyez audacieux, saisissez les opportunités, mais en bon ordre !

L’expérience a montré que l’attentisme ne pouvait qu’au mieux permettre de « laisser passer l’orage », et au pire de conduire à la faillite par manque de flexibilité et d’adaptabilité, pourtant critiques dans ces environnements stressés. En aucun cas il ne vous permettra d’en ressortir plus fort et préparé pour la reprise. L’adoption de mesures d’urgence uniquement, porteuses de gains à court terme, rejoint l’attentisme : elle donne la possibilité de booster un temps, mais pas de transformer intelligemment le véhicule afin qu’il continue à transporter dans la durée.

Cependant, il ne s’agit pas non plus de tomber dans l’hyperactivité anti productive, et de vouloir aborder tous les chantiers en même temps. Comme le dit l’adage : « la crise, on sait quand on y rentre, mais pas quand on en sort ». Les conséquences de la crise vont perdurer dans les années à venir, mieux vaut donc définir un ordre de marche rigoureux, sans surestimer ses capacités.

Seule votre connaissance pointue des problématiques de l’entreprise permettra d’identifier parmi ces pistes les mesures les plus propices à vous aider à surmonter la crise et en préparer la sortie, à court, moyen et long terme.

 

Anaïs Leblanc

Philippe Chambert-Loir

Citwell 2011

 

Pour aller plus loin :
– l’offre Supply Chain Fast Track de Citwell, focalisée sur l’atteinte à très court terme d’enjeux valorisés. Plus d’infos.
– le projet PIMS (Profit Impact of Marketing Strategy).

 


 Source : Etude Ernst & Young de 2009 “opportunities in adversity”, rassemblant les réponses de 337 dirigeants exécutifs et cadres supérieurs, tous appartenant à des sociétés dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1milliard de dollars US

 Source : « L’impact de la crise financière sur les choix de financement des entreprises françaises » par Pascale Revault

 A noter qu’un fournisseur a à priori autant de chance de perdre un client (car il cherche de meilleures conditions – 46% des répondants) que d’en gagner un (pour réduire l’impact de la faillite d’un fournisseur en particulier – 42% des répondants).Source : Etude Ernst & Young de 2009 “opportunities in adversity”

 Le taux d’épargne aux USA a bondi à 5,9% en octobre 2009, son niveau le plus haut en une décennie. Source : “Accelerating Out of the Great Recession: How to Win in a Slow-Growth Economy” par David Rhodes et David Stelter.

 Projet PIMS (Profit impact of marketing strategy) initié par GE puis prolongé et maintenu par Harvard et d’autres universités.

 A noter, la liste ci-dessous n’est pas en elle-même totalement innovante dans les solutions, sinon elle ne serait pas du domaine public !

 Citons l’inévitable Apple, qui a su développer de nouveaux modes de consommation et complètement revoir son modèle économique en conséquence : ses résultats sont aujourd’hui plus assurés par les ventes sur l’Apple Store que par la vente du matériel.