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L’appréhension des risques au travers
des schémas industriels et logistiques

Mise sous le feu des projecteurs par la pandémie de Covid-19, la politique conduisant à privilégier l’optimum financier momentané à la vision prospective des risques est de nouveau, et c’est heureux, pointée du doigt. Sans rentrer dans le débat des choix de politique publique passés ayant conduit à différentes gestions de la crise sanitaire par les gouvernements européens et mondiaux, force est de constater que bon nombre d’entreprises procèdent de la même manière. Les différentes vagues d’optimisation des coûts ont tendu à privilégier l’optimum direct – dicté principalement par le coût d’achat, d’approvisionnement, de production et/ou de distribution – à l’évaluation pondérée des risques en cas d’aléas.

Ces perturbations de la Supply Chain sont pourtant fréquentes : catastrophes naturelles et leur conséquences technologiques, comme cela a été le cas avec l’accident nucléaire de Fukushima Daiichi en 2011 ; pénurie momentanée de matière première, notamment liée à des événements climatiques ; déficit local en main d’œuvre ou compétence ; grève d’un secteur d’activité particulier, notamment de la manutention ou du transport ; blocage étendu à l’échelle d’une région ou d’un pays, comme les récentes manifestations des « gilets jaunes » en France. Face à de telles situations, les entreprises et leurs directions doivent faire preuve d’imagination pour trouver des solutions palliatives a posteriori. Et ces solutions s’avèrent bien souvent très coûteuses : coût élevé d’un fournisseur « secouriste », sans effet volume et potentiellement aggravé par la concurrence, recours à une logistique express, sans compter des délais fortement rallongés voire inconnus et une qualité éventuellement dégradée par une source de production inexpérimentée

Sans demander aux services de l’entreprise de se muer en devins, une évaluation des risques encourus par leur Supply Chain, considérée en incluant les maillons fournisseurs en amont jusqu’aux clients en aval, sans oublier les activités internes, s’avère pour le moins nécessaire afin de dessiner les sources de dysfonctionnement dans la réponse aux demandes des clients. Les axes d’évaluation sont multiples et ne doivent pas se limiter aux seuls aspects économiques. Si la réactivité et la qualité des produits et des services sont également fréquemment inclus dans la mesure des risques, l’impact sur l’image de l’entreprise, aussi considérée dans ses dimensions sociales, sociétales et éthiques, n’est pas à négliger, tout comme la prise en compte des contextes environnementaux et autres risques techniques et technologiques – on l’aura vu dans les exemples cités plus haut.

En période de crise, ainsi détectée, deux types de réponses sont à adopter : la réponse réactive et la réponse proactive. Si la première est bien connue des services intervenant en mode « pompier », c’est aussi la plus coûteuse économiquement, mais néanmoins indispensable pour garantir la continuité de l’activité et la réponse à la demande client, dès lors qu’un processus d’ajustement proactif des routes Supply Chain n’est pas en place.

Une réponse réactive pour reconnecter d’urgence les maillons de la chaîne de valeur

La défaillance d’un des maillons de la Supply Chain, qu’il s’agisse d’un fournisseur, d’un prestataire ou sous-traitant, ou encore d’une ressource de production ou distribution appartenant à l’entreprise, entraine une rupture dans la chaine d’approvisionnement de la demande des marchés client. Pour résoudre cette situation, une solution alternative d’urgence se doit d’être trouvée en activant un maillon alternatif. S’il s’agit d’un nouveau fournisseur ou sous-traitant, un compromis sera nécessaire pour équilibrer l’exigence de qualification du partenaire, dans les dimensions qualité et RSE notamment, et la réactivité d’enclenchement attendue. Si la solution passe par une entité industrielle présente à reconfigurer, la digitalisation des opérations industrielles – que l’on appelle aussi l’industrie 4.0 ou Usine du futur – pourra être un recours pour accélérer le re-routage de la production, et limiter l’impact économique en cas de transfert vers une zone géographique au coût opératoire plus élevé.

Une réponse proactive pour détecter les risques impactants et anticiper les reconfigurations de flux Supply Chain

L’intervention en mode pompier peut être évitée en se dotant de schémas Supply Chain alternatifs régulièrement actualisés et réactualisés. L’évaluation de ces alternatives devra balayer l’ensemble des composantes de risques économiques / qualité / réactivité / environnement / image et leurs impacts sur la chaine de valeur. Cette analyse doit aiguiller les directions générales à ajuster leurs schémas industriels et logistiques : sources d’approvisionnement, allocation des produits sur les différents sites de production, localisations régionales et proximité des lieux de consommations, etc. Par opposition à la résolution réactive de crise ci-dessus, l’identification de maillons alternatifs est cette fois-ci anticipée, rendant ainsi possible les études et actions de qualification préalables. Autant que possible, on cherchera la régionalisation des activités, en proximité des fournisseurs, compétences et marchés, par opposition à une pure délocalisation tirée par le prix.

Cet investissement vers une appréhension proactive des risques et l’adaptation des flux Supply Chain en conséquence s’oppose à la vision économique trop souvent court-termiste de certaines décisions. Un récent sondage (février 2020) de l’Institut for Supply Management (ISM) aux Etats-Unis a montré que près de la moitié des 600 entreprises interrogées ne disposaient pas d’alternative en cas de rupture d’approvisionnement.

En conséquence, lorsqu’il sera de nouveau temps de se tourner vers le futur en sortie de crise, chaque entreprise dans son ensemble devra se reposer la question, non seulement de la rentabilité de sa chaîne de valeur, mais également de sa robustesse, sa résilience, et sa capacité à se reconfigurer pour encaisser les futurs chocs, inconnus, mais qui ne manqueront pas de voir le jour dans un avenir plus ou moins proche.

Nicolas HENRY, Directeur Citwell.