Les entrepôts sont un élément clé de la Supply Chain et eux aussi vont devoir se transformer dans les 20 prochaines années pour répondre aux défis majeurs à venir. Nos experts Simon Magny, Manager, et Maxence Chrétien, Associé, vont nous apporter leur éclairage sur ces enjeux et les transformations qui vont s’opérer
Simon, Maxence, quel est selon vous le principal challenge auquel vont faire face les logisticiens dans les années à venir ?
Maxence : Selon moi, le principal défi va être de trouver les surfaces nécessaires à l’activité logistique. Il y a 2 problèmes majeurs à affronter aujourd’hui, l’évolution des lois qui vise à réduire l’utilisation des sols et le peu d’attractivité des activités logistiques pour les autorités locales. En effet, la logistique consomme d’importantes surfaces au sol tout en générant généralement peu d’emploi et beaucoup de trafic routier, ce qui ne la rend pas attrayante pour des décideurs locaux. Pour surmonter ces obstacles, les entreprises pourront miser sur des projets d’entrepôts neufs qualitatifs, à énergie positive, réduisant la surface au sol consommée et s’intégrant dans le territoire visé via l’architecture, le respect de la faune et la flore locale et une réduction des nuisances pour les riverains. Autre piste qui va se développer, l’utilisation des friches logistiques et industrielles. Ces terrains sont aujourd’hui de vraies difficultés pour les communes qui n’ont pas la capacité de les transformer et voient d’un bon œil l’arrivée de repreneurs, prêt à faire revivre et à recréer de l’emploi. Les coûts d’acquisition de ces terrains peuvent être très attractifs et les pouvoirs locaux font preuve de davantage d’ouverture et d’accompagnement.
Simon : Pour ma part, le défi qui me semble essentiel, c’est la pénurie de main d’œuvre qui est déjà une préoccupation majeure et qui va s’accentuer dans les années à venir. Le vieillissement de la population est également une problématique car la logistique classique est une activité éprouvante physiquement et il est donc difficile de conserver dans l’emploi des opérateurs qui avancent en âge. La mécanisation des entrepôts, qui est déjà une tendance forte, va donc poursuivre sa croissance, en réduisant les besoins en main d’œuvre mais aussi en réduisant la pénibilité, via l’automatisation de tâches répétitives, l’équipement ergonomique des postes de travail et le développement des aides à la préhension.
Vous parlez de mécanisation, quelles vont être les tendances sur ce point dans les 20 prochaines années ?
Maxence : Il faut distinguer les besoins entre les grosses installations qui gèrent des volumes très importants, comme dans la grande distribution par exemple, où l’enjeu est d’optimiser les surfaces et de tirer profit au maximum de la mécanisation et les installations plus modestes, qui sont en pleine croissance et sur lesquelles les entreprises recherchent de l’évolutivité et de la souplesse.
Simon : Pour les installations majeures, un codéveloppement des bâtiments et des systèmes automatisés permettra d’obtenir une efficacité maximale et surtout de réduire au maximum le besoin en surface au sol. Maxence l’a évoqué, le foncier va devenir le nerf de la guerre, les logisticiens doivent donc stocker plus dans moins de mètres carrés. Les équipementiers historiques proposent des installations sur mesure qui répondent à ces enjeux. On voit en parallèle de plus en plus d’acteurs qui proposent des solutions innovantes, moins lourdes et plus flexibles pour répondre aux enjeux des entrepôts dont l’activité est moins prévisible et les volumes plus faibles. Il est certain que des acteurs émergents vont continuer de proposer des solutions toujours plus innovantes et disruptives pour faire face à la pénurie de main d’œuvre
du secteur et pour que seules les tâches à valeur ajoutées soient confiées aux ressources logistiques.
Maxence : En complément de l’automatisation qui est un levier intéressant et important pour les logisticiens, il ne faut pas oublier les outils de pilotage de l’activité logistique, notamment le WMS (Warehouse Management System). Des évolutions sont sans cesse intégrées par les éditeurs de solutions pour répondre aux besoins toujours plus nombreux des logisticiens. Ajoutons à cela le potentiel de l’IA, qui devrait permettre d’aller plus loin dans le pilotage des entrepôts, dont les activités sont de plus en plus complexes.
Intéressant, d’après vous, comment pouvonsnous intégrer l’IA dans l’entrepôt ?
Simon : Difficile à dire tant le champ des possibles est large, l’IA en est à ses balbutiements. Les WMS les plus avancés intègrent déjà de l’IA pour aider les managers dans l’allocation des ressources sur les différents postes de l’entrepôt et dans l’optimisation des chemins de picking pour diminuer les déplacements des opérateurs. Demain, l’IA permettra d’aller
plus loin sur ces deux axes, en offrant une adaptation et une intelligence en temps réel alors que l’intelligence apportée aujourd’hui est davantage ponctuelle, avec des analyses périodiques (ex : réimplantation mensuelle voire semestrielle des pickings).
L’IA permettra également d’améliorer davantage la planification des ressources, elle supportera les managers terrain dans l’aide à la décision en temps réel. Un enjeu intéressant serait d’intégrer l’IA entre le WMS et les solutions automatisées, pour permettre à la logistique du site de s’adapter en temps réel aux problématiques et contraintes qui surgissent en permanence (panne d’un automate, retard d’un transporteur, …).
D’après vous, l’entrepôt de demain, il sera localisé où ?
Simon : difficile de faire une réponse aussi tranchée. Le secteur d’activité, les services et la promesse aux clients, la typologie des marchandises font que l’on aura toujours besoin de gros entrepôts sur des nœuds stratégiques, offrant les infrastructures et les bassins de population adéquates. Ces entrepôts permettent de consolider les livraisons sur un
point unique et de réduire les coûts de transport et le niveau de stock. Cependant, ces entrepôts sont bien incapables de livrer les clients dans les centres-villes en respectant la promesse aux clients. Les entrepôts de proximité existent donc
pour une bonne raison.
Maxence : pour compléter, les études de schéma directeur logistique ne vont pas disparaitre, il est clé de questionner régulièrement la pertinence et la cohérence de son réseau logistique. Et de nouveaux critères vont prendre davantage de
poids dans la décision comme l’impact sociétal et environnemental, la disponibilité des surfaces, la résilience du réseau ou la disponibilité des ressources.
C’est une belle conclusion, merci messieurs de nous avoir partagé cette vision éclairante de la logistique dans les 20 prochaines années.
Entretien avec Simon Magny, Manager & Maxence Chretien, Associé, Groupe Citwell